La commission, ajournée le 7 mai pour cause de Victoire, eut donc lieu les 11 et 12 mai 1945, sous la présidence (assez directive) de Noutary, assisté de treize de ses chefs de service et de trois Français représentant la mission catholique, la mission protestante et la Chambre de Commerce, face à 45 Togolais, tous du « Bas-Togo »‘, comme on appelait alors le Sud : quelques vieux notables (Emmanuel Ajavon, Félicio de Souza, Lawson V,…) et surtout des jeunes, représentants les fonctionnaires indigènes, les agents du Parquet, ceux du Chemin de fer, ceux de l’Enseignement et de la Santé, avec des commerçants, des planteurs, et quelques chefs de canton des cercles du Sud (au total, il y a forte sur-représentation des Loméens). 

Les débats seront vifs. En réponse au commissaire de la République, 23 des Togolais prendront la parole' », en particulier Sylvanus Olympio, qui domine les débats (17 interventions sur un total de 94), le représentant des agents de la Justice Jacintho Da Silva (14 prises de parole) et l’instituteur Hubert Kponton (11 interventions)

Le premier débat, sur le retour à l’autonomie administrative du Togo vis-à-vis de l’AOF, passe comme une lettre à la poste: vote à l’unanimité moins une voix.

Mais au second: Voulez-vous êtr citoyens français, togolais ou « citoyens d’Empire ? », les délégués se dérobent avec un bel ensemble : ils ne veulent être ni Français, ni « AOFiens ». Le chef Dorkenoo d’Aképé résume: « Nous sommes nés au Togo, nous sommes Togolais Nous ne demandons pas autre chose' ».

Noutary cache mal son agacement.

Il essuiera un autre échec avec le point suivant: la désignation d’un représentant du Togo à l’assemblée nationale française à élire bientôt. Là encore, au lieu de bondi sur l’occasion, les Togolais se dérobent. S. Olympio synthétise leur position: « Nous voulons un représentant [à Paris] pour traiter uniquement les questions avant rapport à l’indigène togolais, et non les questions métropolitaines […]. Les affaires françaises débattues au Parlement ne nous intéressent pas »

Dans la plupart des domaines débattus, les Togolais vont réaffirmer leur singularité, que ce soit dans l’évolution de la coutume (S. Olympio: « Nous voulons rester togolais, et nous ne voulons pas avoir le statut européen […]. Nous voulons évoluer dans notre cadre ici »‘), l’enseignement de la langue éwé(), la vente des terres (Albert Mensah : « Les terres ne doivent être aliénées qu’en faveur des Togolais »‘). Et ainsi de suite…

Source : L’APPARITION -DE LA VIE POLITIQUE (1940 – 1946) – Yves MARGUERAT

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